Mes Petites Trouvailles
BLOGUE SUR LA MODE FAITE MAISON

emily flake
cartoonist et illustratrice, par Carl Dubé
C’est le dernier vendredi avant Noël, une belle journée ensoleillée mais fraîche, où je suis parti à l’aventure, traversant à pied la moitié de Brooklyn avant de me rendre chez Emily pour notre rencontre.
J’ai contacté Emily Flake quelques semaines auparavant alors que je planifiais un court séjour à New York. Je connaissais un peu le travail d’Emily car je collectionne depuis quelques années le numéro spécial de la revue The New Yorker faisant la rétrospective de ses cartoons de l’année (dans l’édition de novembre 2014, on retrouve d’ailleurs une magnifique photo d’Emily en page 86 !).
Nos premiers échanges par courriel sont chaleureux, humoristiques et plein d’esprit. J’avais hâte de la rencontrer. « Mais pourquoi moi, se demande-t-elle ? », elle qui qualifie sa relation à la mode comme non-existante.
Je lui explique alors que je souhaite, à travers mon blogue, présenter des femmes inspirantes, d’abord et avant tout, peu importe le domaine. J’ai une fille de 10 ans qui se plaint de ne pas trouver beaucoup d’héroïnes à la télévision ; j’ai donc décidé d’en trouver pour elle !

Emily est une héroïne et une source d’inspiration puisqu’elle évolue dans un monde majoritairement masculin. Si elle n’est pas la seule illustratrice pour The New Yorker, ici, au Québec, on ne retrouve pratiquement pas de femmes illustrant dans les grands quotidiens ou magazines...
Après avoir marché à travers Prospect Park, Émily m’accueille avec un grand sourire sur le pas de sa porte et m’invite à monter dans son appartement chaleureux où les livres et les vinyles sont omniprésents (sont mari est un collectionneur, en plus d’avoir sa maison de disques). On s’installe à la table de la salle à manger (une vieille table massive anciennement d’une bibliothèque publique) qui se situe entre sa table à dessin et son bureau d’ordinateur.
Comme je l’avais anticipé, Emily est très conviviale, m’offrant thé et chocolats. Rapidement, on s’est mis à parler de tout et de rien pour me rendre compte qu’Emily est une personne qui a les pieds bien sur terre et qui a des valeurs similaires aux miennes ; nous semblons particulièrement détester la bêtise humaine et apprécier les choses simples de la vie, comme passer du bon temps en famille et avec les amis.
J’imagine que de travailler pour The New Yorker, c’est un peu comme se retrouver au « top, » au sommet de la montagne. Emily, me dit que « oui, effectivement, The New Yorker, c’est prestigieux, mais on devrait plutôt parler du sommet de la colline, puisque de nos jours, les endroits où on peut vendre notre travail d’illustrateurs et de cartoonists sont plus rares. »
Outre les magazines (qui publient de moins en moins d’illustrations), on peut vendre ses dessins pour illustrer des livres ou leur couverture, pour des campagnes publicitaires, pour des applications de téléphones cellulaire ou des jeux vidéo.
Dans sa biographie Open, Andre Agassi affirme qu’il a toujours détesté jouer au tennis, mais comme c’était son métier, il l’a fait année après année. Alors qu’il voulait abandonner, son entraîneur lui a fait comprendre que la majorité des gens ne font pas un travail qu’ils aiment et ils se rendent quand même au boulot tous les matins.
Ce passage m’a profondément marqué, moi qui rêve de vivre de l’écriture et je ne pouvais faire autrement qu’admirer Emily qui, elle, peut enfin vivre suffisamment bien de son art, et ce, dans un monde principalement masculin.
Mais avant d’arriver là, Emily a dû faire son petit bout de chemin. Elle a toujours aimé dessiner et ce, depuis sa plus tendre enfance. Son grand-père, Adrian Flake, était lui aussi illustrateur. Il était responsable de la signalisation au chantier naval de Houston. On peut encore retrouver certains de ses logos/signes que les gens de Houston peuvent reconnaître comme celui du Houston Show Hospital. Il a dessiné aussi des plans de maisons qu’il bâtissait et peinturait. Il est décédé à l’âge de 90 ans, en 2005, lorsque l’autobus qui l’évacuait de l’ouragan Rita a explosé ! Sérieusement.
Puisqu’elle vivait au Connecticut et lui à Houston, Emily a très peu connu son grand-père. La dessinatrice de Brooklyn se souvient du travail de son aïeul et elle enviait son talent alors qu’elle était encore enfant. Elle se souvient être captivée par la maison qu’il a bâti dans laquelle il y avait une salle de jeu et une distributrice à gommes baloune, ce qui était, à ses yeux de jeunes filles de six ans, la chose la plus formidable au monde !
Bien qu’Emily ait peu fréquenté son grand-père, elle aime dire que son talent vient de lui, qu’il existe sans doute un gène qui s’est passé d’une génération à une autre... Il n’était pas proche mais elle pense qu’il aimait l’idée qu’elle dessine elle-même.
Originaire de Manchester, près d’Hartford au Connecticut, Emily a étudié au Maryland Institute College of Art (MICA) de Baltimore de 1995 à 1999 avant d’aller ensuite s’installer quelques années à Chicago où elle a eu plusieurs petits emplois alors qu’elle tentait de développer sa carrière d’illustratrice en parallèle. Après quatre années, alors que rien ne semblait débloquer, elle décida de s’établir définitivement à New York où elle vit maintenant avec son conjoint et sa petite fille de deux ans. Là, elle à retroussé ses manches et à mis les efforts pour faire en sorte que sa carrière démarre pour de bon.

Emily a commencé sa carrière en dessinant la bande dessinée Lulu eightball (publiée en deux volumes à ce jour chez Atomic Books) qui parait hebdomadairement dans plusieurs publications alternatives.
C’est en 2008 qu’elle publie pour la première fois chez The New Yorker et elle fait maintenant partie de l’écurie de dessinateurs réguliers pour ce magazine. D’ailleurs, c’est elle qui est actuellement en charge du dessin quotidien de leur site Internet, et ce, jusqu’à la fin du mois de mars 2015.
Elle publie maintenant pour de nombreuses publications telles que le New York Times, Newsweek, le Wall Street Journal, le Globe and Mail, le Nation pour n’en nommer que quelques-unes. Malgré qu’elle soit maintenant bien établie dans le milieu, il s’agit quand même d’une carrière à la pige et rien n’est jamais garanti. Emily travaille donc toujours sur plusieurs projets en même temps.
En 2007, elle publie These Things Ain't Gonna Smoke Themselves qui lui vaut un Prism Award et elle publiera en 2015 Mama Tried, une collection d’essais illustrés sur la vie parentale. Pour le plaisir, elle s’adonne également à la sérigraphie. Depuis quelques temps, elle anime aussi des ateliers pour les enfants en plus de travailler avec une amie sur un projet de télévision.




Emily travaille principalement à la main, avec une plume et de l’encre à base d’eau. 80% à 90% des dessins est fait à la main et quelques retouches sont faites à l’ordinateur avant d’être envoyé à ses clients.
Dans son travail, c’est d’abord le texte qui lui vient en premier. Elle construit ensuite le dessin autour des mots.
Ci-contre, quelques exemples du travail d'Émily Flake.
les petites trouvailles d'Émily
Dans une entrevue que l’on peut trouver en ligne (voir le lien plus bas), Drew Dernavich demande à Emily comment elle fait son choix vestimentaire le matin. Elle répond : 1) Est-ce que c’est sale ? 2) Est-ce que cela se voit que c’est sale ? 3) Dois-je sortir de la maison? 4) Est-ce que je me sens mal d’aller boire un café en cotons ouaté?
Cette réponse est typique de l’humour d’Emily mais tend aussi à illustrer ce qu’elle appelle la non-existence de son sens de la mode. Puisqu’elle travaille de la maison, Emily ne ressent pas le besoin de s’habiller pour répondre à certains standards de la société. Elle se satisfait amplement d’un simple t-shirt assorti de leggings confortables.
Cela n’empêche pas Emily d’aimer les beaux vêtements, en autant qu’ils soient simples. Elle porte beaucoup de noir, gris et couleurs neutres. On l’a dit, les leggins ou pantalons confortables ont préséance, avec le t-shirt et la veste. L’été, elle ne dit pas non à une robe. Elle magasine chez American Apparel, Uniqlo et dans les friperies. Depuis qu’elle a une petite fille, elle fréquente maintenant Target et LL Bean.
Emily a quelques petites trouvailles qu’elle nous partage :

Des chaussures en cuir rouge d'Argentine

Une bague datant de la fin du 19e siècle.

Les petites boucles d'oreilles turquoises d'Emily

Des chaussures en cuir rouge d'Argentine
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Une paire de chaussures faites à la main en cuir rouge et lacets bleus très confortables et provenant d’Argentine, fabriqués par Correa. Elle se promet de s’en faire faire sur mesure lors de son prochain passage là-bas, car c’est un service qu’ils offrent sur place.
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La bague engravée de sa grande-tante qui date de la fin des années 1800, début des années 1900.
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Ses boucles d'oreilles turquoises favorites.
Enfin, Emily ne semble pas vouloir que je lui rappelle que, par le passé, elle a fait une tentative avec le tricot. Il y a encore une grande pile de laine qui traine quelque part dans un racoin de sa chambre ; un jour, elle tentera de montrer à sa fille à tricoter des foulards et des bas (« c’est bien ce qu’une mère doit montrer à sa fille ! » dit-elle à la blague) mais pour l’instant, elle fait plutôt des tartes. Plein de tartes, car c’est si bon...

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